René Kuder : les deux tableaux disparus

Deux tableaux de René Kuder peints en 1930 dans le transept n’ont pas survécu aux dommages de la guerre de 1939-1945.
Ils représentaient
– les deux saints patrons de la Ville de Cernay, saints Abdon et Sennen
– le martyre de saint Etienne, patron de la paroisse.
Lors de la remise en peinture de l’église en 1976, devant l’ampleur des dommages qu’il avaient subi, il a été décidé de les recouvrir d’un enduit qui a malheureusement pénétré au cœur de la couche pigmentaire, rendant toute restauration impossible.
Ces deux tableaux faisaient partie, avec les dix tableaux du CREDO, de la commande de décoration de l’église passée à René Kuder en 1929 par le chanoine Tschirhart. Cette commande citait expressément la réalisation de ces deux oeuvres (*1).
Il subsiste des photographies de 1930 des deux tableaux à partir desquelles, la municipalité a pu mener à bien le projet de restitution de ces deux œuvres, c’est à dire une reproduction réalisée par la restauratrice d’art, Marie-Adrienne Ley..
(*1) Source : commande du 13 novembre 1929 :  » on n’oubliera pas une scène rappelant St. Etienne d’une part et les patrons Abdon et Sennen d’autre part « .

Photo du tableau restitué en 2021


SAINTS ABDON ET SENNEN PATRONS DE LA VILLE, PRIEZ POUR NOUS
Saints Abdon et Sennen sont les patrons de la ville de Cernay. Les écrits ne nous rapportent pas la raison de ce choix par les édiles de la ville. On ne peut que constater la similitude avec l’appellation vernaculaire de Cernay aux siècles passés, mais sans s’autoriser à y trouver un fondement historique.
Il est probable que ce choix remonte au XVII ème siècle, car en 1618, on redécouvrit la catacombe Pontien à Rome où ils avaient été enterrés. Ce fait eut un immense retentissement sur leur renommée et leur célébrité. On note par exemple un enfant de Cernay baptisé « Abdon-Sennen » fils de Henri Armspach en 1743.
Saints Abdon et Sennen étaient deux princes perses qui subirent le martyre par décapitation sous le règne de l’empereur Dèce vers l’an 253. La légende dorée rapporte que leurs reliques furent transportées à Arles sur Tech vers l’an mil par le prieur du lieu qui cherchait à débarrasser la région des simiots, monstres mi-bête, mi-démon. C’est donc bien un simiot qui apparait couché au pieds des saints Abdon et Sennen.
Dans la représentation de Kuder, Saints Abdon et Sennen, le visage calme et serein se tenant fraternellement la main.
L’église de Cernay de 1754 comportait déjà un tableau des saints Abdon et Sennen placé en haut du maître-autel (*2).
Les statues de Saint Abdon, Saint Sennen et Saint Etienne figuraient côte à côte, sur la porte de Colmar jusqu’en 1792, où elles furent démolies sur ordre d’un membre de la Convention.
Saint Abdon et Saint Sennen étaient également représentés, sculptés sur le tympan de la porte du précédent clocher par le sculpteur Meigret de Belfort (*3).
(*2) Source : Cernay son passé son présent par Joseph Depierre, page 112 (1907)
(*3) Source : Regards sur l’histoire de Cernay  les saints patrons de l’église – page 138 (1903)

Photo du tableau restitué en 2021

SAINT ETIENNE DEDICATAIRE DE L’EGLISE, PRIEZ POUR NOUS
Comme à son habitude, René Kuder intègre dans sa peinture tous les éléments bibliques ou évangéliques relatifs au thème traité.
Le diacre Etienne fut le premier martyr de la chrétienté. Convoqué devant le Sanhédrin pour quadruple blasphème, il exaspère ses juges par une rhétorique implacable, au point qu’il est traîné hors des murs de Jérusalem, où il fut lapidé. René Kuder met en scène un des assaillants qui, dans un geste d’une extrême violence, vient de rejeter au loin son manteau pour mieux pouvoir asséner les pierres sur le diacre Etienne.
Dans les Evangiles, les Actes (7, 54-60) rapportent en effet, que les meurtriers s’étaient débarrassés de leurs vêtements avant de lapider Etienne et qu’ils en avaient confié la garde à Saül (le futur apôtre Paul). Il est écrit que Saül avait approuvé cette lapidation. On devine aussi la déchirure verticale des cieux derrière Etienne, déchirure qui semble venir lui conférer l’auréole de sainteté. En effet, Etienne avait dit « voici que je contemple les cieux ouverts, et le Fils de l’homme debout à la droite de Dieu »