Depuis plusieurs mois, la pandémie a mis à mal nos rencontres. Nous nous sommes dit qu’une « VISITATION » serait bienvenue. L’équipe de la Pastorale du Tourisme vous propose donc de découvrir plus précisément la rencontre chaleureuse et hautement symbolique de deux femmes, Elisabeth et Marie, toutes deux en attente de donner la vie. Ce qui nous permettra, dans quelques semaines, de fêter Noël, la Naissance.L’Avent 2021 jour après jour
Dimanche 28 Novembre 2021 : Jour 1
« En ces jours-là, Marie partit et se rendit en hâte vers la région montagneuse, dans une ville de Juda. Elle entra chez Zacharie et salua Elisabeth. » (Luc 1, 39-40)
Cette peinture sur bois date du 13ème siècle. Initialement, elle ornait la stavkirke ( « église en bois debout ») aujourd’hui disparue d’Al en Norvège. On distingue d’ailleurs les lattes de bois sous la peinture. Elle se trouve aujourd’hui au musée d’histoire culturelle d’Oslo.
Nous ne pouvons qu’apprécier la douceur et la tendresse de cette représentation. Marie (manteau rouge) va jusqu’à poser sa main sur la joue d’Elisabeth. Remarquez que l’artiste a fait correspondre la couleur des auréoles avec celle des manteaux… Les pommettes des deux femmes rosissent d’émotion et de joie.
Naïveté de la représentation, certes, mais aussi gravité de Marie et Elisabeth… On le serait à moins !
Lundi 29 Novembre 2021 : Jour 2
Cette scène, peinte entre 1302 et 1305 par Giotto, orne la chapelle des Scrovegni à Padoue.
Elisabeth en jaune se penche avec sollicitude vers Marie. On assiste à un bel échange de regards et on peut se laisser aller à imaginer le dialogue qui a suivi …
Le visage d’Elisabeth est sillonné de rides et ombré pour souligner son âge.
Cette fois, la rencontre de Marie et Elisabeth a des témoins, des femmes : amies, cousines, voisines, servantes ?
Les deux femmes à gauche semblent être des servantes, accompagnant Marie.
La femme en bleu à droite semble appartenir à la maison d’Elisabeth.
La rencontre a lieu devant la maison d’Elisabeth, près d’une entrée ornée de fines colonnes et d’une frise d’inspiration classique.
Mardi 30 Novembre : Jour 3
Jacques Daret est un peintre néerlandais. Cette oeuvre faisait partie du retable de l’abbaye St-Vaast à Arras qui illustrait l’enfance de Jésus. Ce panneau de 57 X 52 cm datant de 1433/1435 se trouve aujourd’hui à la Gemäldegalerie de Berlin.
Marie et Elisabeth sont à droite du tableau … pour laisser de la place à l’évêque donateur Jean de Clercq ? Détail anecdotique : ses armoiries sont suspendues à la branche de l’arbre à côté du prélat…
Tout est opulence, les vêtements des deux femmes, le château à gauche, la mitre et la crosse de l’évêque, mais notre regard est tout de même attiré par les gestes et les regards de Marie et Elisabeth, qui va jusqu’à toucher le ventre de Marie.
Elisabeth est voilée conformément à la tradition et contrairement à Marie qui a libéré ses longs cheveux.
Rappel : Les jeunes filles vont tête nue alors que les femmes mariées portent un voile couvrant le cou, les oreilles et une partie de la chevelure, en accord avec les usages francs et ceux de l’Église.
Mercredi 1er Décembre : Jour 4
Deux dames flamandes du XVème siècle se rencontrent ; elles n’ont ni auréole, ni signe distinctif.
Leurs mains et leurs yeux se parlent. Chacune ausculte la vie qui bat chez l’autre. Elisabeth cherche à étreindre Marie et ne la quitte pas du regard. L’attitude de Marie est plus réservée : sa main modère délicatement l’empressement d’Elisabeth et ses yeux semblent tournés vers l’intérieur.
Le bleu de son manteau met en valeur ses cheveux tombants sur ses épaules ; elle n’est pas encore mariée.
Marie ne porte pas de voile. Elisabeth est vêtue plus simplement, mais le rouge de son manteau qui tranche avec le vert du paysage annonce déjà le destin tragique de son fils.
Elisabeth est placée très légèrement au-dessus de Marie : elle attend celui qui vient avant, le précurseur.
Un chemin parcourt l’espace, relie les différents plans et se dirige vers la Ville à l’horizon, Jérusalem, chemin de la croix, mais aussi de la lumière.
Oeuvre du grand Rogier Van der Weyden, peinte en 1445 et visible au Museum der Bildenden Künste à Leipzig.
Jeudi 2 décembre 2021 : Jour 5
Une Visitation rhénane que vous pourrez aller admirer au musée Unterlinden de Colmar.
Elle fait partie du retable des Dominicains de Colmar peint vers 1480 par l’atelier de Martin Schöngauer et composé de 24 panneaux représentant la vie de Marie, puis le cycle de la Passion.
Tout est grâce, douceur et sérénité dans cette rencontre. Marie et Elisabeth se touchent par le regard et par les mains. Même la scène bucolique en arrière plan contribue au côté paisible de la scène. Bien sûr, on peut y voir une préfiguration de l’annonce aux bergers durant la nuit de Noël.
Vendredi 3 décembre 2021 : Jour 6
Le culte marial s’est développé à partir du 15ème siècle : Domenico Ghirlandaio nous le prouve avec cette œuvre de 1491 aujourd’hui exposée au Louvre.
Marie, jeune, belle, robe rouge et grand manteau bleu arrive chez Elisabeth qui s’agenouille en signe de salut et de respect. Elisabeth touche le ventre de Marie, mais c’est devant Jésus qu’elle s’agenouille …Marie tabernacle, Marie ostensoir vivant …
Elisabeth s’abaisse, mais Marie s’incline pour la relever. Ses mains sont appuyées sur les épaules d’Elisabeth, signe de salutation aussi.
Les deux femmes présentes à leurs côtés figurent dans les traditions apocryphes : à gauche, Marie Jacobie, demi-sœur de Marie, enceinte et peinte en mémoire d’une jeune femme de la famille du commanditaire, morte enceinte. La femme de droite est une autre demi-sœur de Marie,
Marie Salomé. Elle joint les mains en signe de respect.
Tous les regards sont tournés vers la gauche, le passé, l’Ancien Testament; seule Marie est tournée vers la droite, vers l’avenir. La scène familiale se transforme en scène théologique, ce que nous confirme le paysage au centre : aux dimensions du monde.
Samedi 4 décembre 2021 : Jour 7
« Et comment m’est-il donné que vienne à moi la mère de mon Seigneur ? » C’est ce que proclame le bandeau noir au-dessus des personnages (Et unde hoc mihi ut veniat mater domine mei ad me ) (Luc 1, 43).
Cette Visitation moins connue, peinte par Pietro di Francesco degli Orioli en 1490, est exposée à la Pinacothèque nationale de Sienne.
Les deux cousines, au centre, se tiennent par les mains. Il s’agit bien d’un salut, empreint des sentiments à la fois les plus respectueux et les plus modestes que se rendent deux femmes qui savent le caractère miraculeux de leur grossesse.
La composition inscrit le geste des mains qui se serrent exactement sur l’axe de symétrie de l’œuvre. La symétrie obtenue fige l’action et la fait durer.
Des couleurs douces, un peu passées : Marie en blanc, Elisabeth en marron et voilée comme le veut la tradition. Comme témoins de la scène, deux jeunes femmes se tiennent derrière Marie ; Zacharie, l’époux d’Elisabeth, est là pour accueillir Marie. On distingue un autre visage à l’arrière.
Dimanche 5 décembre 2021 : Jour 8
Une étonnante composition pour cette Visitation (1528-1529) de Jacopo Pontormo, se
trouvant dans l’église de Carignano en Toscane. Marie et Elisabeth, de profil,
s’étreignent, échangent des regards d’affection mutuelle, tandis que deux femmes à
l’arrière plan fixent le spectateur et ne participent d’aucune façon à la scène. On peut
relever leur ressemblance avec les protagonistes principales, des doubles en quelque
sorte. La servante âgée représente la vieille humanité attendant le renouvellement de
l’homme. La jeune servante est l’image de la nouvelle Eve, Marie.
Les quatre personnages du tableau forment comme quatre piliers en une sorte de
parallélépipède aux couleurs intenses. La composition est particulièrement originale avec l’extension des bras et la longueur des étoffes aux lignes arquées des plis qui sont de grande élégance et qui amplifient les volumes.
Le tableau nous laisse sous le charme de l’étreinte et l’échange impénétrable des deux
femmes. La présence divine est subtilement signifiée par la fine ligne d’or qui encercle leur tête.
Le lieu de la scène est à peine perceptible en raison de ces immenses silhouettes qui
structurent le tableau, mais l’on devine au loin une rue, sans doute de Florence. C’est une peinture presque musicale, les lignes sont dansantes et accentuées par la position
rythmée des pieds des deux figures principales.
Et voici comment le vidéaste Bill Viola a réinterprété la scène en 1995.
Lundi 6 décembre 2021 : Jour 9
Cette œuvre non signée date de 1630 et figure à la National Gallery de Londres. Les experts pensent qu’elle vient d’un atelier français ou d’Italie du Nord.
Elle a été choisie, malgré sa tonalité sombre, pour montrer que les artistes interprètent différemment les textes, ajoutent des personnages selon ce qu’ils pensent vraisemblable ou selon ce qu’ils veulent démontrer.
Ici, Marie et Elisabeth sont accompagnées de leurs époux. En effet, on a du mal à imaginer que Marie, enceinte, soit partie seule, par monts et par vaux, pour retrouver Elisabeth.
C’est aussi l’instant de la salutation. Elisabeth a un geste protecteur envers Marie.
Les deux hommes se tiennent en retrait de leurs épouses.
Joseph a son bâton de marche et porte un sac. Marie porte son manteau de voyage. Zacharie se tient sur l’escalier de sa maison, le chapeau à la main. Il s’apprête à saluer Marie.
Mardi 7 décembre 2021 : Jour 10
A partir du 14ème siècle jusqu’au début du 16ème siècle, essentiellement dans les
régions germaniques, on trouve des images du Christ et de Jean-Baptiste représentés avant leur naissance sous forme de petits embryons, soit intra-utérins, soit extra-utérins (devant le ventre, devant la poitrine).
On les appelle parfois «grossesses transparentes» (François Boespflug).
Ces représentations d’embryons sacrés ne sont guère réalistes : les petits corps sont des modèles réduits d’enfants déjà grands. On ne s’intéresse pas à la morphologie évolutive de l’embryon, mais seulement à sa figure humaine qui renvoie elle-même au Créateur, dont elle est l’image.
En voici une première illustration : l’église romane St Georges Sogn Gieri située à Rhäzüns dans les Grisons comporte tout un cycle de fresques du 14ème siècle.
Sur le mur du fond, on distingue notre
Visitation entre une Annonciation et une
Nativité.
Jésus et Jean-Baptiste sont des enfants
miniature « encastrés » en quelque sorte
dans leurs mères. Remarquez la proximité des deux femmes, plutôt rare à cette époque et la modernité de la représentation.
Mercredi 8 décembre 2021 : Jour 11
Cette très belle lettrine orne un graduel (recueil de chants) appartenant au couvent de Wonnenthal. Ce manuscrit du début du 14ème siècle est aujourd’hui conservé à la Badische Landesbibliothek de Karlsruhe.
Marie et Elisabeth sont représentées presque de face. On distingue donc très bien les enfants, à hauteur du buste, déjà auréolés et se faisant face comme leurs mères qui se tiennent à la fois par l’épaule et les mains, ce qui donne une forme de cœur.
Ce ne sont plus deux paires d’yeux qui se regardent, mais quatre …
Jeudi 9 décembre 2021 : Jour 12
Cette représentation se trouve dans un traité de théologie intitulé « speculum humanae
salvationis » (miroir du salut humain), répandu au 15ème siècle ; l’auteur anonyme y confronte des scènes de l’Ancien et du Nouveau Testament.
Sur ce manuscrit conservé au Benediktiner kollegium de Sarnen (Suisse), Marie et Elisabeth sont étroitement enlacées, leurs ventres se touchant pratiquement.
Les enfants sont bien apparents, dans une mandorle blanche.
Dans ce type de représentations, les embryons ont des postures codées : en conformité avec le texte évangélique, le petit Jean-Baptiste est agenouillé devant Jésus qui le bénit.
Vendredi 10 décembre 2021 : Jour 13
Elisabeth accueille Marie devant sa maison. Leurs visages se touchent, leurs auréoles se superposent. Chacune a relevé son voile sur l’épaule et donne à voir son enfant nu et dessiné nettement devant sa robe. Jésus est assis comme sur un trône, droit, la tête entourée du nimbe crucifère, la main droite levée et bénissant. Le corps de Jean-Baptiste se fond dans la couleur de la robe d’Elisabeth. Lui aussi est auréolé ; jambes pendantes, il se prosterne profondément, le haut du corps à l’horizontale.
Cette Visitation à enfants apparents est l’une des seules hors du domaine germanique : elle orne la nef de l’église Ste Croix de Pelendri (Chypre) et date de la fin du 14ème siècle.
Samedi 11 décembre 2021 : Jour 14
Cette Visitation est une partie d’un antependium (devant d’autel) de 1410 qui se trouvait à Strasbourg et est aujourd’hui conservé au Musée des Arts appliqués de Francfort sur la Main.
Nous retrouvons Marie et Elisabeth très proches l’une de l’autre.
Les enfants sont au même stade de développement : une fois de plus, la vraisemblance n’était importante, l’essentiel est dans le symbole : Jean-Baptiste est à genoux devant Jésus qui le bénit.
La scène est empreinte de gravité, mais aussi de sérénité.
Admirez le beau décor végétal avec quelques animaux disséminés ça et là.
Dimanche 12 décembre 2021 : Jour 15
A gauche, la Trinité tient conseil. Assis sur un large trône, porteur d’une barbe
grise et d’une tiare argentée et dorée, Dieu
le Père est revêtu d’un ample manteau rouge brodé d’or. A sa gauche, le Fils, debout, humblement incliné, un agneau
couché à ses côtés. Entre les deux, un grand livre aux pages blanches. Au-dessus,
une colombe aux ailes déployées…
La Trinité décide d’envoyer le Fils dans le monde pour lui apporter le salut…
Et c’est à droite de cette scène que le peintre nous montre dans la Visitation,
l’Incarnation réalisée… avec les deux petits enfants.
Deux femmes enceintes. Marie, jolie jeune fille aux longs cheveux tombant sur son manteau bleu ; Elisabeth plus âgée, vêtue de rouge et voilée. Chacune désigne l’enfant de l’autre et ce geste des mains et des bras dessine comme une corbeille, une nacelle accueillante dans laquelle les enfants à naître sont placés face à face. JeanBaptiste est en prière à genoux devant Jésus assis. L’œuvre, intitulée « Der Ratschluss der Erlösung » (Le décret du salut ou de la rédemption) peinte en 1444 par le suisse Konrad Witz est exposée à la Gemäldegalerie de Berlin.
Lundi 13 décembre 2021 : Jour 16
Ce manuscrit du 15ème siècle consacré à la vie de Jésus est conservé au musée Condé de Chantilly (Oise).
Marie et Elisabeth, au centre de la composition, sont accompagnées de leurs époux. Ce sont leurs enfants qui permettent de les reconnaître : le futur Jean-Baptiste s’incline devant celui qu’il reconnaît comme Seigneur, donc Marie est à droite cette fois, vêtue d’un manteau bleu et Elisabeth à gauche. L’artiste n’a pas marqué la différence d’âge des deux femmes. Par contre Zacharie et Joseph sont tous deux bien avancés en âge … Zacharie porte son habit de prêtre ; Joseph est appuyé non sur une canne, mais sur son manteau de charpentier.
Les enfants, bien visibles, sont au centre de l’œuvre, au cœur du cœur. Marie et Elisabeth ne se touchent pas, chacune regarde le bébé de l’autre …
Remarquez la main de Dieu le Père dans le ciel, au-dessus de la scène. Sa main, nimbée comme l’auréole de Jésus, désigne et bénit Marie et Jésus.
Mardi 14 décembre 2021 : Jour 17
Cette Visitation de l’école souabe (région du Rhin supérieur)(1430-1435) est étonnante à plus d’un titre. Humblement placé derrière Marie, visage tendu vers elle, un ange tient le manteau de Marie ; c’est l’unique cas où une Visitation donne à voir un ange descendu du ciel et posé sur la terre.
Plus étonnante encore, l’attitude très protectrice de Marie envers sa cousine.
Enfin, on peut constater une différence de développement des grossesses des deux femmes : Elisabeth, appuyée sur une canne et la tête enveloppée d’une guimpe qui souligne son visage ridé, a la taille fine dans sa robe mauve, tandis que Marie dans une posture légèrement cambrée met en avant son ventre gonflé … Marie est pourtant au tout début de sa grossesse… Pour autant, chacune porte sur son ventre un médaillon identique à rayons dorés sur lesquels on distingue Jean-Baptiste à genoux et Jésus debout …
Ces particularités visent bien sûr à donner la préséance à Marie, future mère de Jésus.
L’œuvre intitulée « Visitation à la canne » se trouve au musée des Beaux-arts de Lyon.
Mercredi 15 Décembre 2021 : Jour 18
Cette Visitation de Konrad von Friesach (1450-1460) se trouve dans le village autrichien de Sankt Lambrecht.
Elle est exceptionnelle au sens où l’on voit un seul enfant sur l’ample robe rouge d’Elisabeth. Un fin trait d’or dessine une mandorle à l’intérieur de laquelle quelques rayons entourent le corps nu de Jean-Baptiste, agenouillé et les mains jointes.
Cette représentation est la plus proche de l’évangile : au moment de la rencontre, la grossesse de Marie en est à ses débuts et seul Jean-Baptiste s’est manifesté en tressaillant dans le ventre de sa mère…
Elle est exceptionnelle aussi par sa fraîcheur.
Jeudi 16 Décembre 2021 : Jour 19
Dans un décor médiéval à souhait, le voyage accompli par Marie et le déplacement d’Elisabeth venue à sa rencontre sont matérialisés par un chemin de couleur claire qui serpente. Elisabeth serre entre ses deux mains la main et le poignet gauche de Marie, qu’elle semble vouloir retenir près d’elle.
Les enfants sont cette fois présents sous forme d’étoiles dorées aux branches rayonnantes qui font écho aux auréoles des deux femmes.
Cette Visitation de 1462 est l’un des seize panneaux du retable de l’église St Georges visible aujourd’hui au musée de Nordlingen. Friedrich Herlin, peintre bavarois, originaire de Nordlingen a peint d’autres Visitations, notamment celle du retable des Douze Apôtres figurant dans l’église de Rothenburg ob der Taube et celle de l’abbaye de Krems (Autriche) que nous découvrirons demain.
Vendredi 17 Décembre 2021
Cette Visitation des années 1490-1500 est du même peintre Friedrich Herlin, mais elle est postérieure dune trentaine d’ années. Elle est conservée à l’abbaye bénédictine de Krems (Autriche) et fait partie du retable de St Georges.
Ce qui frappe, c’est la beauté et la grâce de Marie et Elisabeth, jeunes toutes deux. La rencontre a lieu dans un paysage de prairies d’un vert intense se terminant par un fond or où s’intègrent les auréoles des deux femmes.
Elisabeth tend les bras et prend la main et le poignet droit de Marie … bienveillance et
empressement. Sous leurs mains sont placées deux mandorles de rayons dorés. Tournées vers le spectateur, elles contiennent les enfants, qui se regardent, comme leurs mères.
Pour une fois, on voit de vrais bébés, craquants et non des enfants en miniature.
Une œuvre magnifique, colorée, sereine.
Samedi 18 Décembre 2021
La rencontre a lieu devant une architecture stylisée de château. Marie et Elisabeth ont toutes les deux les yeux baissés vers leurs enfants. Derrière elles, on aperçoit un chemin qui serpente et à l’arrière plan, le fond est encore doré comme à l’époque gothique.
Les enfants sont représentés par transparence. Jésus est un peu caché par le bras de Marie qui salue sa cousine.
Une œuvre un peu naïve , mais pleine de charme. Elle a été peinte entre 1451 et 1500 et figure au musée Lazaro Galdiano de Madrid.
Dimanche 19 Décembre 2021
Marie et Elisabeth se regardent. Elles ne semblent pas prêter attention aux enfants, peu
apparents, représentés sur leur ventre, sous leurs avant-bras réunis. Leurs visages n’expriment ni surprise, ni joie particulière, plutôt l’humilité et l’acquiescement à ce qui leur a été annoncé et se réalise.
Jésus est debout dans une mandorle dorée, Jean-Baptiste à genoux.
L’œuvre (1505) est de Hans Jakob Strueb. Elle faisait autrefois partie d’un retable et se
trouve aujourd’hui au musée Thyssen de Madrid.
Lundi 20 Décembre 2021
Max Reichlich a peint cette Visitation en 1511, elle fait partie du retable de la vie de Marie qui se trouve aujourd’hui à l’Alte Pinakothek de Munich.
La scène se déroule dans un lieu public, à proximité d’une église. A l’arrière plan, une ville. D’autres femmes sont témoins de la scène, sans se douter de son importance.
L’attention se concentre sur les mains de Marie et Elisabeth, mains qui traduisent salutation, accueil bienveillant, consentement humble. Cette sorte de dialogue non verbal se reproduit sous leurs mains en deux minuscules mandorles rayonnantes où Jean se prosterne devant Jésus.
Les ventres se touchent, les enfants sont exactement face à face, formant pour ainsi dire le « noyau » de l’image. Les mères n’expriment ni surprise, ni perception des mouvements de leurs enfants; elles n’ont pas de regard pour eux. Ils sont là pour être vus par le spectateur, pour lui montrer l’Incarnation.
Mardi 21 Décembre 2021
Le Concile de Trente (1545-1563) interdit ce type de représentations avec «embryons visibles» au nom de la théologie (Jésus est un vrai homme et il s’est développé peu à peu dans le ventre de Marie, il n’a donc pas pu descendre sous forme d’un petit homme déjà tout formé des mains de son Père), mais aussi au nom de la décence, ce qui est la marque d’une nouvelle sensibilité.
Il devient désormais « indécent » de représenter des conceptions, des grossesses et même des naissances sacrées. Les représentations de Vierges enceintes avec embryons ont disparu au cours du XVIIe siècle au fur et à mesure que progressait la Contre Réforme.
Et curieusement, ces représentations vont revenir au 20ème siècle.
Pour preuve, ce vitrail de Taizé, intitulé Magnificat, dans l’église de la Réconciliation
(1962), dessiné par le frère Eric de Saussure, artiste et membre de la communauté.
Elisabeth nous fait face, elle ouvre déjà les bras. Marie est élan : elle surgit de profil,
les bras tendus vers Elisabeth. Son regard nous invite à nous tourner vers l’autre.
Les deux enfants ont aussi les bras tendus l’un vers l’autre.
L’image est particulièrement réconfortante en nos temps de repli sur soi…
Mercredi 22 Décembre 2021 : Jour 25
Du peintre Arcabas, une Visitation tout en mouvement : les deux femmes sont en marche l’une vers l’autre; la position des pieds, le mouvement du manteau de Marie le soulignent.
Bras tendus, elles sont prêtes à s’étreindre. Marie a l’air à peine plus jeune qu’Elisabeth.
Arcabas a exprimé le mystère à sa façon : la grossesse de chacune des femmes est marquée par une croix d’or à hauteur du ventre; ces croix font pressentir la rencontre des deux enfants. La croix représentant l’enfant de Marie semble sortir, aller vers l’autre croix. Avez-vous remarqué au bas du manteau de Marie comme une page qui se tourne : un monde nouveau va advenir.
La rencontre a un témoin, Zacharie, qui observe la scène, les yeux grands ouverts. Lui qui n’a pas cru aux paroles de l’ange reste muet sur le pas de la porte, il contemple le début de la réalisation des promesses de l’ange.
Cette oeuvre de 1995-97 se trouve au palais archiépiscopal de Malines (Belgique), elle fait partie du polyptyque « L’enfance du Christ ».
Les deux femmes sont représentées en buste à St Hugues de Chartreuse, l’église qu’Arcabas a entièrement décorée et qui reçoit plus de 100 000 visiteurs par an.
Les noms de Marie et Elisabeth sont inscrits en rouge (par souci de pédagogie à l’adresse des visiteurs incroyants ).
Elles s’embrassent, heureuses de se revoir.
L’accent est mis sur les mains qui se rejoignent, les bras qui soutiennent. Les deux mains qui se détachent sur le fond expriment la communion, l’attente partagée des deux femmes.
Marie est peinte avec des couleurs chaudes, cheveux bruns et robe rouge brodée d’or. Couleurs froides et et coiffe gris-bleu pour Elisabeth.
Le fond sombre met les deux profils en valeur.
23 Décembre 2021 : Jour 26
Ce panneau de Rogier van der Weyden, fait partie du retable consacré à saint Jean Baptiste (1455-1460), les deux autres panneaux étant consacrés au baptême de Jésus et à la décapitation de Jean Baptiste. Il se trouve à la Gemäldegalerie de Berlin.
Une arcade d’entrée dans une cathédrale gothique divise la scène en deux parties :
au fond la chambre à coucher où Élisabeth a mis au monde son fils.
Elle est assistée de sa servante et repose sur un somptueux lit à baldaquin tendu d’un
superbe rideau rouge vif.
Au premier plan, Marie discrètement auréolée présente l’enfant au vieillard Zacharie encore muet et qui tient une plume pour écrire le nom de son fils qu’il appellera Jean.
Les lumières sont brillantes, les couleurs sont vives, tout annonce la venue d’un
monde nouveau.
24 Décembre 2021 : Jour 27
La Chapelle Maria-Raydt de l’église de Ribeauvillé est ornée depuis 2016 d’un
retable du jeune artiste Christoff Baron figurant une Pietà entourée de scènes de la vie de Marie.
Voici donc sa Visitation et sa Nativité.
Remarquons simplement que Marie, reconnaissable sur tous les panneaux à
son manteau bleu et à de discrètes fleurs de lys, a quitté son voile et a l’air fatiguée par son accouchement ….
Accompagnée de Joseph, elle présente son fils aux rois mages.
Plus de parents agenouillés devant un bébé nu dans un berceau de paille … mais un couple prêt à protéger et
accompagner son enfant.
25 Décembre 2021 : Jour 28 NOEL
L’EQUIPE DE LA PRTL VOUS PROPOSE DES COMPLEMENTS D’INFORMATION
LA VISITATION DANS L’EGLISE DE STEINBACH
Dans notre communauté de paroisses, seule l’église de Steinbach comporte deux représentations de la Visitation qui datent des années 1925-28. Cette église, bombardée dès l’hiver 1914-15, a été reconstruite presque à l’identique après la guerre.
Sur le bas-côté droit, cinq vitraux montrent les cinq mystères joyeux du rosaire : l’Annonciation, la Visitation, la Nativité, la Présentation au Temple et Jésus devant les docteurs de la Loi.
Dans le chœur, deux bas-reliefs en bois se font face. Ils expriment la louange à Dieu.
Le roi David jouant de la harpe pour l’Ancien Testament.
La Visitation avec le Magnificat de Marie pour le Nouveau Testament.
Dans quels textes les artistes ont-ils puisé leur inspiration ?
Dans le Nouveau Testament de la Bible, très exactement dans l’évangile de Luc.
Pourquoi Marie rencontre-t-elle Elisabeth ?
L’ange Gabriel, le messager de Dieu, a informé Marie : « …Et voici qu’Elisabeth, ta parente, vient, elle aussi, de concevoir un fils dans sa vieillesse, et elle en est à son sixième mois, elle qu’on appelait la stérile… »
Luc 1,39-45 La VISITATION
« En ces jours-là, Marie partit et se rendit en hâte vers la région montagneuse, dans une ville de Juda.
Elle entra chez Zacharie et salua Elisabeth. Et il advint, dès qu’Elisabeth eut entendu la salutation de Marie, que l’enfant tressaillit dans son sein et Elisabeth fut remplie d’Esprit Saint. Alors elle poussa un grand cri et dit : « Bénie es-tu entre les femmes, et béni le fruit de ton sein ! Et comment m’est-il donné que vienne à moi la mère de mon Seigneur ? Car, vois-tu, dès l’instant où ta salutation a frappé mes oreilles, l’enfant a tressailli d’allégresse en mon sein. Oui, bienheureuse celle qui a cru en l’accomplissement de ce qui lui a été dit de la part du Seigneur ! »
Nous retrouvons ici des paroles de la prière du « Je vous salue Marie ».
Luc 1,46-56 Le MAGNIFICAT
Marie dit alors : « Mon âme exalte le Seigneur,
et mon esprit tressaille de joie en Dieu mon Sauveur,
parce qu’il a jeté les yeux sur l’abaissement de sa servante.
Oui, désormais toutes les générations me diront bienheureuse,
car le Tout-Puissant a fait pour moi de grandes choses.
Saint est son nom,
et sa miséricorde s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent.
Il a déployé la force de son bras,
Il a dispersé les hommes au cœur superbe.
Il a renversé les potentats de leurs trônes et élevé les humbles,
Il a comblé de biens les affamés et renvoyé les riches les mains vides.
Il est venu en aide à Israël, son serviteur,
se souvenant de sa miséricorde,
selon qu’il l’avait annoncé à nos pères,
en faveur d’Abraham et de sa postérité à jamais ! »
Marie demeura avec elle environ trois mois, puis elle s’en retourna chez elle.
Extraits de la Bible de Jérusalem
Visitation
Bien que ce terme ait la même racine que « visite », il a un sens plus spécifiquement
religieux et ne signifie pas juste le fait de se rendre dans un lieu ou auprès de
quelqu’un.
En effet, au XIIIe siècle la visitation est une épreuve ou une grâce divine. En
théologie, la visitation est le fait de se rendre auprès de quelqu’un par la grâce ou par
la colère divine.
Marie va chez Elisabeth. Elles attesteront le pouvoir divin qui les a rendues
enceintes.
Le texte biblique dit que Marie était vierge et qu’Elisabeth était très âgée et stérile.
Donc phénomène surnaturel uniquement possible par l’intervention divine.
Nous aborderons par la suite le sens de ce récit ni poétique, ni naïf.
A partir de 1611, la visite de Marie à Elisabeth s’appelle la « Visitation ». Dans la
liturgie, de 1263 à 1969 elle était placée au 2 juillet. Aujourd’hui, cette fête est
célébrée le 31 mai chez les catholiques et le 30 mars chez les orthodoxes.
En 1610, saint François de Sales et sainte Jeanne de Chantal ont fondé un ordre de
religieuses : les Sœurs de la Visitation, appelées les Visitandines.
Les enseignements du récit
Le texte de l’évangile de Luc ne donne pas de renseignements précis hormis le nom
de trois personnes : Marie, Elisabeth et Zacharie. Notons que Marie, jeune femme
humble se rend dans une famille sacerdotale bien en vue (Luc 1,8).
Il s’agit là d’un texte de louange et de reconnaissance de l’œuvre de Dieu. Rien
n’est impossible à Dieu (Luc 1, 37). Il prédit déjà le destin de ces deux fœtus.
JeanBaptiste, le fils d’Elisabeth, préparera le chemin du Seigneur.
Il sera le dernier prophète. Il reconnaît Jésus déjà avant sa naissance en tressaillant.
Elisabeth l’exprime avec des mots. Marie confirme la grandeur de Dieu qui a fait des
merveilles pour elle et pour Israël.
Cette réponse de Marie est appelée « Magnificat », car ce mot est le premier du
cantique « Magnificat anima mea Dominum ». Il signifie magnifie, exalte, glorifie. Ses
paroles sont chantées vers la fin de l’office des vêpres ou occasionnellement lors
d’autres rassemblements religieux encore aujourd’hui. « Arriver au Magnificat »
signifie arriver très en retard.
Place de la Visitation
La Visitation fait partie de l’évangile de l’enfance. Ce texte ne figure que dans
l’évangile de Luc.
Les récits de l’enfance de Jésus correspondent à un code littéraire utilisé dans
l’Antiquité pour montrer l’importance d’un personnage et son appartenance au
dessein des dieux/de Dieu. Sa conception et son existence sont dues à l’intervention
divine.
Le personnage célèbre devait naître d’une femme stérile, âgée ou vierge, avoir
risqué la mort dans son plus jeune âge et avoir une intelligence supérieure à la
normale. Les biographies de Sargon d’Akkad, Moïse, Cyrus le Grand, Alexandre le
Grand, Néron etc…comportent de tels récits mystérieux et merveilleux.
Avec Elisabeth et Marie, nous sommes confrontés à deux récits d’enfantements
mythiques. Il y en a eu d’autres dans la Bible. Citons, entre autres, Sara, la femme
d’Abraham, attendant Isaac (Gn 18, 10-12), la femme de Manoah attendant Samson
(Jg 13, 3-5).
Fait exceptionnel par rapport aux étapes de ces récits : Marie n’a jamais douté
contrairement à d’autres personnages bibliques. Elle a toujours eu confiance en
Dieu. Bel exemple de foi.
Mais…Marie est aussi devenue l’image même de la femme parfaite et soumise.
Cette attitude a été véhiculée et imposée aux femmes pendant des siècles !